Sexworkers’ long history as political experts: Thierry Schaffauser

Saul Leiter, Untitled, 1950

The other day Thierry Schaffauser posted some reflections on facebook on the history of sexworkers as thinkers and leaders in activism for social change. Objecting to the exclusion of sexworkers from prominent roles in political groups, Thierry was told it was too soon to expect anything different, because sexworker-leadership was a recent phenomenon.

In this piece, Thierry goes back more than 40 years to remember sexworkers who were very much leaders and reflects on the apparent disappearance or ignorance of this history, even amongst friends.

He mentions the emergence of the idea that sexworkers won’t be able to achieve anything on their own; that ‘allies’ in the form of academics and big NGOs are crucial to success.

He highlights the longtime collaboration between gay and sexworker activists,
not only in the struggle against AIDS.

This is both a personal and very informative piece, which we’ve titled

Sexworkers’ long history as political experts
by Thierry Schaffauser, 7 November 2020

Hier soir, j’écoutais un militant de longue date de la lutte contre le sida et quelqu’un de sincère qui me disait que l’émergence d’activistes travailleurSEs du sexe dans son organisation était récente et que ça prenait du temps pour que des TdS prennent des places de leadership, qu’il ne suffisait pas d’être TdS pour avoir les compétences en réponse à mon exigence que des personnes incompétentes qui ne connaissent rien au TdS devaient être remplacées par des personnes concernées.

Je me suis un peu énervé parce que je me suis rendu compte que la place et le rôle joué par les TdS dans la lutte contre le sida, y compris dans cette organisation, a été oubliée. Ça m’a un peu énervé parce que mon histoire personnelle dans la lutte contre le sida n’a pas toujours été simple, le sentiment de ne pas avoir toujours été pris au sérieux, de ne pas avoir toujours été respecté, parce que travailleur du sexe, peut être trop hystérique, avec plein d’anecdotes en tête que je ne pourrais toutes lister, mais aussi un énervement à devoir admettre que moi même j’ai longtemps cru en partie dans cette narration de “l’incapacité culturelle” de ma propre communauté, parce que j’ai aussi été marqué par certaines lectures de sociologues ou “experts” non concernés, parlant de “mouvement improbable” de “dépendance aux alliés”.

Il a fallu que je me rende à Genève à l’invitation des collègues suisses qui ont conservé les archives de Grisélidis Réal. Toute sa vie, elle a passé son temps à conserver et photocopier les articles de presse, les courriers, les communiqués, les correspondances entre activistes qui n’avaient pas Internet à l’époque pour s’organiser en temps réel. Plein de documents en français et d’autres langues européennes car elle parlait couramment le français, l’anglais, l’allemand, l’espagnol et je crois aussi un peu d’italien. Les Suisses quoi. Et en quelques instants, j’ai découvert comme un mensonge que j’ai cru pendant presque 20 ans, à savoir qu’après 1975 et l’occupation des églises, il n’y avait rien eu. Qu’entre 1975 et 1990 c’est à dire la création du Bus des Femmes à Paris, il n’y avait rien eu. Quelle honte.

Saul Leiter, Inez, printed 1970s

Dans les cartons du centre Grisélidis Réal il y a toute une histoire de collectifs, de procès et batailles judiciaires, d’interpellations aux différents gouvernements, mairies, de manifestations, tout le travail militant fait aujourd’hui était déjà fait pendant cette période où officiellement j’avais appris qu’il n’y avait rien eu parce que soi disant les leaders de 1975 avaient profité de leur mobilisation pour prendre conscience d’une “condition prostituée” peu enviable et finalement “changer de vie” grâce aux compétences acquises grâce au processus de “conscientisation” et “d’émancipation”. Tout ça est bien entendu du bullshit putophobe car le départ d’Ulla du mouvement apparait surtout à la lecture des documents comme le résultat d’un conflit avec les autres leaders des différents collectifs de prostituées notamment celui de Marseille et Paris.

Les premiers cas de sida chez les prostituées arrivent au milieu des années 1980, et la mobilisation est quasiment immédiate. La question apparait en 85 au Congrès mondial des putains et entre sérieusement dans le manifeste du Congrès mondial de 86. En réalité, des premières activistes dans les pays anglo saxons tentent de mobiliser avant même ces premiers cas car beaucoup avaient des amis homosexuels, étaient déjà sensibilisées. L’amitié pute/pédé serait aussi un truc à étudier d’ailleurs, par exemple entre Grisel et Jean Luc Hennig. Et encore Grisélidis est un mauvais exemple car elle a longtemps repris les discours anti hygiénistes et de déni de l’ampleur du sida, et se plaignait de devoir adopter le préservatif.

Néanmoins elle a conservé plein de GayPied des années 80 pour leurs articles sur la prostitution masculine ou les petites annonces qui révèlent des processus de rencontres entre tapins et clients. “homme généreux offre voyage et vacances en compagnie d’un jeune homme”. Beaucoup des militantes étaient aussi bisexuelles et lesbiennes. On oublie que Margo St James et Gail Pheterson, les fondatrices de Coyote en Californie ont été un couple pas que militant! Donc évidemment que l’arrivée du sida a tout de suite été un événement pour cette communauté, même si les premiers cas documentés chez les femmes cis sont apparus quatre ans après ceux des hommes homosexuels.

Il y a de vraies compétences, il y a une vraie expertise. Il y a de vraies luttes. Et c’est même étonnant quand on y pense de ne pas voir que tout le mouvement des prostituées puis des travailleurSEs du sexe est depuis 1990 un mouvement qui existe en réalité principalement à travers la lutte contre le sida, seul espace politique un peu officiel qui nous est admis.

Saul Leiter, Snow, 1960

Et oui en 2020, après plus de 30 ans, bientôt 40 ans de lutte contre le sida, il n’y a toujours eu aucunE TdS dans les conseils d’administration de certaines organisations alors que nous sommes une population clé auprès de laquelle on envoie des volontaires pour des actions de dépistage tous les jours.

J’arrive à un point où je suis fatigué et j’en ai marre d’être en colère. Je n’ai plus envie de “gueuler” et je sais bien qu’on est vite désigné comme une vieille folle aigrie avec nos obsessions, nos frustrations et nos échecs. Mais je voudrais juste qu’il y ait au moins cette prise de conscience que non, le mouvement des travailleurs du sexe n’est pas un phénomène “récent”. Il y a toujours eu des résistances, même avant les années 1970, des révoltes de prostituées dans les prisons, des révolutions menées par des “femmes du peuple”, des salons tenus par des courtisanes pour influencer les penseurs et décideurs, des artistes créant de nouvelles cultures influençant leur société, de l’innovation, de l’audace et du courage. Il y a de quoi être fierES d’être putes, et ça continue.

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Photographs by Saul Leiter, thanks to the Howard Greenberg Gallery

If anyone can easily produce a wonderful translation of this text, let me know. Ten years ago, Thierry translated a number of my writings into French, at a time when the French government were considering bringing in an anti-sexbuyer law (which they later did):

Rapport douteux sur la loi d’achat de sexe
original Tvivelaktig rapport om sexköpSvenska Dagbladet, avec Louise Persson, 15 July 2010
Version anglaise

Grandes prétentions, peu de preuves: la loi de Suède contre l’achat de sexe
original Big claims, little evidence: Sweden’s law against buying sexThe Local, 23 July 2010.

Rapport suédois basé sur de mauvais chiffres danois de la prostitution de rue
original Swedish report based on wrong Danish numbers for street prostitution, 3 July 2010.

La fumée dans les yeux: l’évaluation de la loi anti-prostitution suédoise offre de l’idéologie, pas de la méthodologie
original Smoke gets in your eyes: Evaluation of Swedish anti-prostitution law offers ideology, not methodology, 15 July 2010.

Derrière le visage heureux de la loi suédoise anti-prostitution
original Behind the happy face of the Swedish anti-prostitution lawLouise Persson, 4 July 2010.

Pas de méthode dans l’évaluation de la loi Suédoise contre l’achat de sexe
original Skarhed admits scientific method was lacking in evaluation of Swedish law against buying sex, 19 Jan 2011.

L’utilisation irresponsable des données relatives à la traite, ou: Mauvaises entrées de données, mauvais résultats
original Irresponsible use of trafficking data, or: Garbage in, garbage out, 14 August 2010.

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Laura Agustín, the Naked Anthropologist

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